Commencez par observer l’arrière-plan du triptyque : un vaste paysage imaginaire, qui s’étend sur les trois panneaux. Lorsque Hans Memling réalise cette œuvre, à la fin du xve siècle, le paysage est en passe de devenir un genre pictural à part entière. Les paysages de Memling ne sont pas étrangers à cette évolution.
L’œuvre ne se distingue pas seulement par son paysage sublime, elle est aussi l’un des tout premiers exemples flamands de portrait de groupe. Willem Moreel est agenouillé à gauche et son épouse Barbara van Vlaenderberch, alias Van Hertsvelde, à droite : ils sont les commanditaires du tableau. Chacun d’eux est accompagné de son saint patron, tandis que derrière les parents, les enfants sont en train de prier. Les Moreel sont une famille nombreuse. Willem Moreel descendait d’une riche famille de marchands brugeois et fut même quelque temps bourgmestre de Bruges. Jusqu’au jour où il s’opposa à la mainmise de Maximilien d’Autriche sur les Pays-Bas et leurs villes. En 1485, la famille dut partir en exil pour trois ans.
Qui occupe le panneau central ? Trois saints, dont celui du milieu porte l’enfant Jésus sur les épaules : c’est saint Christophe. Il était, avec saint Jacques, le saint patron de l’église Saint-Jacques, l’église paroissiale de la famille Moreel. En 1484, les Moreel firent l’acquisition d’une chapelle familiale dans l’église, chapelle qui abrita plus tard leur caveau familial, ainsi que ce tableau. Les deux autres saints du panneau central sont saint Maur et saint Gilles. Ils font référence aux noms de famille du couple : Maur et Moreel ont la même étymologie, et saint Gilles avait comme attribut un cerf, « hert » en néerlandais. Or l’épouse de Moreel s’appelait Van Hertsvelde…