Vers 1500 - Gerard David
Avec son Jugement de Cambyse, Gerard David a peint l’œuvre la plus saisissante de la collection des Musea Brugge. Il l’a peinte pour l’Hôtel de ville, où elle servait d’exemplum iustitiae et devait dissuader les échevins – qui étaient aussi juges – de se laisser corrompre. Le diptyque aura certainement rempli sa fonction, car aujourd’hui encore, il reste gravé sur la rétine de ceux qui le contemplent.
David et ses contemporains continuèrent de s’inspirer de leurs prédécesseurs, les Primitifs flamands, et travaillaient donc toujours dans leur style détaillé et réaliste. Ils développèrent aussi un intérêt de plus en plus grand pour le paysage, comme l’illustre le Baptême du Christ.
Venu de Lombardie jusqu’à Bruges, Ambrosius Benson travailla d’abord dans l’atelier de David, avant de s’installer comme maître indépendant. Influencé par l’école picturale de Léonard de Vinci, il importa à Bruges un style dans lequel les contrastes entre ombre et lumière – ce qu’on appelle le clair-obscur – étaient fréquents. Le passage progressif de la lumière à l’ombre s’appelle le sfumato. Cette technique fut notamment adoptée par Adriaen Isenbrant et Pieter Claeissens I.
Cette œuvre témoigne du talent de portraitiste d’Isenbrant. Nous ignorons malheureusement l’identité du personnage représenté en prière. Souvent, les saints à l’arrière-plan fournissent des indices. Il s’agit ici de saint Paul, avec l’épée, et de saint Pierre, avec le livre et la clé. Ils sont les saints protecteurs ou les saints patrons du commanditaire. Ce tableau est le volet droit d’un diptyque. Le volet gauche représentait sans doute Marie.
À côté de l’année 1518, nous découvrons le nom et l’âge de l’homme du portrait : Paulus de Nigro, 36 ans. Cet assureur maritime génois vivait dans la métropole marchande qu’était Bruges. Le tableau était sans doute le volet gauche d’un triptyque avec au milieu une scène religieuse et à droite l’épouse de Paulus ou un saint.
Marie et Jésus sont assis sur un somptueux trône rehaussé d’ornements Renaissance qui sont le reflet de la dernière mode. Des épisodes de la vie de Marie sont représentés dans des médaillons : ils sont basés sur des gravures de Dürer. À droite, la Visitation, l’Annonciation et Jésus au temple à douze ans. À gauche, l’apparition de Jésus à Marie et l’Assomption. Sur les pilastres, nous découvrons à gauche l’adoration des mages et à droite l’adoration des bergers. Les figures de Marie et de l’Enfant sont basées sur un panneau disparu d’Hugo van der Goes.
À la demande des échevins de Bruges, qui étaient aussi juges à l’époque, David a peint ce diptyque monumental narrant l’histoire du juge corrompu Sisamnès. À gauche, la corruption du juge et son arrestation par le roi Cambyse. À droite, le châtiment : Sisamnès est écorché vif. Sa peau est ensuite utilisée pour recouvrir le siège sur lequel son fils, qui lui succède, rend désormais la justice. Une mise en garde pour le moins édifiante ! Des scènes de justice comme celle-ci décoraient bon nombre d’hôtels de ville flamands dans lesquels la justice était rendue. David a placé ce récit de l’Antiquité dans un décor contemporain, pour que les spectateurs puissent se mettre plus facilement « dans la peau » des personnages.
Dans ces deux panneaux qui vont de pair, notre regard est inévitablement attiré par la scène atroce qui se déroule à droite : un homme dévêtu est écorché vif en public. Le peintre Gérard David illustre ici un récit qui commence sur le panneau gauche. Nous nous trouvons dans la ville de Bruges du xve siècle, mais l’histoire remonte en fait à l’Antiquité.
La scène numéro 1 se déroule en haut à gauche, dans l’embrasure d’une porte : un juge reçoit sous le manteau une bourse pleine d’argent. Il est corrompu ! Ce qui nous amène à la scène numéro 2, au premier plan : le juge est arrêté. L’homme que le malheureux fixe du regard est un roi, comme vous le voyez à sa tenue vestimentaire somptueuse. Les autres personnages sont également vêtus à la mode du xve siècle. La scène numéro 3, sur le panneau de droite, montre la terrible peine infligée au juge, à nouveau en présence du roi. La scène finale est représentée en haut à droite, sur le panneau de droite : le fils du juge, qui a succédé à son père, siège dans un fauteuil de juge couvert de la peau de son père.
L’histoire que Gérard David a peinte s’est en fait déroulée dans la Perse antique. Elle était connue par des sources grecques et latines. Le juge s’appelle Sisamnès, le roi Cambyse. Mais le peintre la situe donc à Bruges ! À gauche, nous voyons la Loge des Bourgeois, et à droite l’hôtel de ville. Il était assez courant dans la peinture ancienne de situer de vieux récits dans un décor contemporain. Mais le décor en question revêt ici une signification supplémentaire, puisque cette œuvre précieuse était accrochée dans la salle d’audience de l’hôtel de ville de Bruges. La ville l’avait commandée à Gérard David. Le terrible sort réservé à Sisamnès y rappelait en permanence à ces messieurs les juges brugeois ce que l’on attendait d’eux : une intégrité sans faille !
Jean-Baptiste baptise le Christ dans le Jourdain. À cet instant, le ciel se déchire et Dieu apparaît et dit : « Voici mon fils. » À l’arrière-plan, nous voyons le même Jean-Baptiste dans deux autres scènes, prêchant et présentant le Christ. Le superbe paysage marque une étape dans l’histoire de la peinture flamande de paysage. David a peint ce triptyque pour le notaire brugeois Jan de Trompes et sa première épouse Elisabeth van der Meersch, représentés tous deux sur les volets latéraux. Sur les volets extérieurs, la deuxième épouse de Jan, Magdalena Cordier, est également représentée avec leur fille.
Nous quittons tout doucement les Primitifs flamands. L’auteur de ce triptyque, Gérard David, est pratiquement leur dernier représentant à Bruges peu après 1500. Vous reconnaissez le réalisme des détails, entre autres dans le vaste paysage rocheux et boisé qui s’étend en continu sur les trois panneaux. Vous avez déjà précédemment vu un exemple de portrait de groupe, avec les commanditaires et leur progéniture sur les volets latéraux. Et nous nous attendons à un sujet religieux.
Vous avez devant vous le Christ, qui est baptisé dans le Jourdain par l’homme qui a annoncé sa venue : saint Jean-Baptiste. À leur gauche, un ange garde le vêtement de Jésus. Observez ses habits somptueux. À l’arrière-plan, saint Jean-Baptiste est en train de prêcher et il présente le Christ. Au-dessus du Christ, nous voyons une colombe – le Saint Esprit – et plus haut encore Dieu le père. Ensemble, ils forment ce qu’on appelle la Sainte Trinité, un dieu unique en trois personnes.
Gérard David a peint cette œuvre à la demande de l’homme représenté à gauche et de son épouse représentée à droite : Jan de Trompes était un important homme politique brugeois, et Elisabeth van der Meersch fut sa première épouse. Ils sont accompagnés de leur saint patron : à gauche saint Jean l’Évangéliste à côté de Jan, à droite sainte Élisabeth de Hongrie à côté d’Elisabeth. Le couple eut un fils et quatre filles. Sur les volets extérieurs, nous voyons la seconde épouse de Jan, Magdalena Cordier, et leur fille. Sainte Marie Madeleine les présente à Marie et Jésus.
Admirez une dernière fois le réalisme saisissant des Primitifs flamands, notamment dans les arbres, les végétaux et les fleurs. Après tout, la nature était la création de Dieu, et il fallait donc la rendre dans toute sa splendeur. Le triptyque de Gérard David est aussi un jalon dans l’histoire de l’art du paysage.
L’œuvre d’Ambrosius Benson est difficile à appréhender car seuls deux tableaux sont signés du monogramme AB. Il figure ici sur la pierre en bas à gauche, à côté de la datation 1527. Jésus se trouve en compagnie de ses parents et de son cousin Jean. Le style vaporeux du visage de Marie, traité en sfumato, les zones d’ombre prononcées et les personnages sculpturaux trahissent l’origine italienne de Benson.
Commencez par jeter un coup d’œil dans le coin inférieur gauche. Sur la pierre, vous découvrez les lettres AB et le chiffre 1527, qui indiquent l’auteur et l’année d’exécution du tableau : le tableau a été peint par Ambrosius Benson, qui était – avec Jan Provoost – un des principaux peintres actifs à Bruges dans la première moitié du xvie siècle. Originaire d’Italie du Nord, Benson s’installa à Bruges en 1518 et y devint franc-maître un an plus tard, ouvrant ainsi son propre atelier.
Benson travaillait aussi bien pour la ville que pour le marché libre. Un tableau sur un sujet aussi prisé que celui-ci faisait pratiquement l’objet d’une production en série. Nous voyons Joseph, Marie, l’enfant Jésus et son cousin un peu plus âgé Jean, qui annonça la venue de Jésus.
Regardez le visage de Marie, que Benson a peint dans le style vaporeux du sfumato. Ce style, nous le devons notamment à son célèbre prédécesseur Léonard de Vinci. Benson était originaire de Lombardie, où Vinci passa la plus grande partie de sa vie… Les zones d’ombre, les couleurs méditerranéennes, l’enfant Jésus, le modelé sculptural des personnages, la composition… Tout cela fait très italien.
Revenons un instant à la pierre en bas à gauche. Nous ne connaissons que deux tableaux d’Ambrosius Benson qui portent le monogramme AB : celui-ci et un autre. Autant dire que cette œuvre est très importante pour les historiens de l’art, car elle permet de situer l’ensemble de l’œuvre de Benson et de son atelier dans le temps.
Nous reconnaissons Marie Madeleine au pot à onguent qui contient l’huile avec laquelle elle a oint les pieds du Christ. C’était une prostituée, mais Jésus a pris fait et cause pour elle et lui a pardonné ses péchés. Benson, originaire d’Italie du Nord, a peint cette sainte populaire au moins vingt fois, tantôt avec un pot comme celui-ci, tantôt avec un livre. Le clair-obscur prononcé est caractéristique de son style.
Cette scène intime, peinte en gros plan, répondait à une demande croissante de représentations humaines de la Sainte Famille. Jésus a le bras autour du cou de sa mère et il saisit une noix dans un plat que lui présente Joseph. L’atelier du peintre Benson, originaire de Lombardie, remporta un franc succès à Bruges au XVIe siècle avec ce genre de charmants petits panneaux.
Le sujet de ce tableau, la Glorification de la Vierge, était prisé à Bruges à cette époque. Des anges chassent les nuages, de manière à ce que la Vierge à l’Enfant apparaisse dans une auréole de lumière au-dessus de trois prophètes et de deux sibylles avec des prophéties et des prédictions sur des banderoles. Benson a répété régulièrement des compositions et des motifs comme les sibylles, qui reviennent dans d’autres significations dans son œuvre.