« There is a crack in everything. That’s how the light gets in. » Ce texte de Leonard Cohen est extrait de sa chanson « Anthem », dans l’album The Future.
Cohen n’aimait pas expliquer ses textes. Mais dans une interview, il a dit ceci : « Il y a une fêlure dans tout ce que nous pouvons rassembler : objets concrets, objets mentaux, n’importe quel type de construction. Mais c’est dans cette fêlure que se trouvent la résurrection et le retour. C’est là que se trouve le repentir. Dans la confrontation, dans la cassure des choses. »
La citation de Cohen pourrait être la devise de Strook. Cet artiste belge est surtout connu pour ses portraits. Ce sont des reliefs muraux en bois de récupération. Son matériau, il le trouve dans ce qu’il appelle des non-places : chantiers de construction, vieux immeubles abandonnés ou autres lieux désolés. Le bois qu’il récolte a souvent toute une vie derrière lui. Et cela laisse des traces.
C’est précisément ces cracks, ces fissures, que Strook recherche. Les couleurs altérées par le temps et les craquelures du matériau sont très importantes à ses yeux. Elles racontent les multiples épisodes d’une histoire de construction et de destruction, de passé et de futur, de lumière et d’obscurité.
Strook n’est pas un démolisseur. Il construit avec le temps. Et les fissures dans son œuvre définissent le temps, qui est insaisissable et qui passe irrémédiablement. Les fissures montrent comment les couches de peinture agissent sur le bois. Le temps est un sculpteur qui travaille avec les intempéries. Les craquelures sont importantes pour l’œuvre de Strook. Elles montrent la cassure dont parle Cohen. Strook ne manipule pas ces cracks, mais il les traite comme des ready-made.
Avec le bois qu’il récupère, Strook fait des compositions expressives. La plupart du temps des figures humaines plutôt abstraites. Leur attitude suggère leurs émotions, mais aussi les craquelures dans le bois. Celles-ci donnent à la sculpture une peau picturale et une charge émotionnelle.
La patine du matériau est l’empreinte esthétique du temps, dit Strook. Mais c’est aussi une trace de fugacité : une métaphore pour exprimer la façon dont tout change, s’étiole ou disparaît progressivement. Tant physiquement que mentalement. Le temps est sans appel. Il marque les gens, mais aussi les matériaux et les objets.
Le critique d’art allemand Jocks décrit le phénomène de manière saisissante selon Strook : « Rien n’arrête le temps. Telle une vague, il balaie tout sur son passage, ne laissant derrière lui que son empreinte. Le temps donne vie aux choses, puis les fait disparaître. Partout, il grave sa trace. Le temps n’est pas seulement un sculpteur, il est aussi un dessinateur. »